Il ne lui avait pas demandé son avis.

Il ne lui avait pas demandé son avis. Il lui avait tourné autour quelques jours essayant de comprendre son fonctionnement et il avait agit. Lorsqu’elle l’avait rencontré elle l’avait trouvé sans âge, hors de cette époque, sans vraiment y prêter attention.

Il ne lui avait pas demandé son avis. Elle ne s’était pas débattue lorsqu’il avait posé sa main sur sa bouche délicate ni lorsqu’il avait plongé ses crocs dans sa gorge perçant sa peau fine de deux demi cercles.

Il ne lui avait pas demandé son avis, et doucement elle sentait son sang la quitter. Elle se vidait de l’intérieur comme aspirée. Lorsque son coeur s’arrêta, ses mains saisirent le corps de son assaillant. Elle tentait de se dégager de lui mais elle était sans force. Sans vie.

Tandis qu’il la relâchait, ses yeux sans vie restaient fixes. Le mur derrière lui, d’un blanc maculé semblait devenir vivant autant qu’elle ne l’était plus. Les taches qu’il comportait donnaient l’impression de raconter leur histoire. Elle sentait vivre ce mur et avec lui tous les objets de la pièce( qui était dans son champ de vision. ) Le bureau en bois ancien était redevenu forêt pour ces yeux. Chaque centimètre carré était maintenant secouer par une nouvelle vie étrange.

Il ne lui avait pas demandé son avis, mais il la regardait changer. Il observait ses yeux qui n’était plus maintenant d’un beau vert vif. Ils s’étaient assombris à mesure qu’elle percevait la vie de la pièce. Son iris ressemblait à une bille d’un noir profond sans motif qui semblait transpercer tout ce qu’elle observait. Il savait ce qu’elle était en train de vivre et attendait patiemment qu’elle reprenne conscience.

Elle était entre fascination et terreur.

Il ne lui avait pas demandé son avis lorsqu’elle se mit à trembler violemment. Son corps tomba au sol dans un bruit sourd. Elle était consciente sans pouvoir ni bouger ni parler.

Son estomac se mit alors à trembler lui aussi. Elle le senti se contracter douloureusement et sans un cri se vida par sa bouche d’un seul coup. Son déjeuner se déversa sur le tapis. Elle se figea. Ses yeux toujours immobiles fixaient le tapis souillé.

Dans sa bouche, elle sentait le reste de son repas se changer en une symphonie de gouts qu’elle découvrait pour la première fois. Ses sucs gastriques dansaient sur sa langue. Elle redécouvrait la saveur des aliments qu’elle avait ingéré quelques heures plus tôt.

Elle savourait cet instant autant par les yeux que par la bouche. Son vomi sur le tapis à peine digéré semblait lui conter la vie vécue des aliments, de leur arrivée dans les mains d’un agriculteur à leur transformation en plat par ses soins un peu avant. Les gouts et cette vision lui plaisait, elle souhaita un instant demeurer ainsi à tout jamais.

Il ne lui avait pas demandé son avis. Elle ne s’en souciait pas encore. Elle ne cherchait pas à comprendre. Elle n’était plus qu’un simple corps plein de sensations.

Sa vision et ses gouts symphoniques cessaient brusquement. La douleur. Elle ne l’avait pas encore ressentie, même lorsque les crocs de cet homme étaient entrés en elle. Mais elle était maintenant présente et très violente. Ses mains, ses ongles, ses os l’auraient fait hurler si seulement elle pouvait. Il n’y avait plus de vie dans ce corps, aucune parole ne pouvait pour l’instant en sortir.

Il ne lui avait pas demandé son avis et il la regardait, il regardait ses os se renforcer, ses muscles se développer. Il ne ressentait rien. Ses os craquaient inlassablement dans d’atroces sons.

Elle aurait voulu mourir pour ne plus souffrir. Ne savait-elle pas qu’elle l’était déjà ? Alors qu’elle espérait, elle senti ses ongles pousser. Trop vite. Ils étaient des griffes acérés et sombres comme ses yeux.

Plus plus rien. La douleur disparu aussi vite qu’elle était arrivée. Ses yeux contemplaient à nouveau le monde. Mais cette fois, son odorat et son ouïe accompagnaient cette symphonie contemplative. Son nez, comme sa bouche un peu plus tôt, redécouvrait les effluves du vomi. Elles étaient merveilleuses de nouveauté. Tout cela n’était pas forcément agréable mais cette découverte pleine d’innocence. Elle ressentait sans le savoir ce qu’un nouveau né ressentait lorsqu’il rencontrait le monde hors de sa mère, avec cette innocence crédule et émerveillée. Tout semblait beau parce qu’elle l’appréhendait pour la toute première fois.

Ses rêveries interrompirent. Elle entendait. Elle ne savais pas quoi. Il y avait une respiration, elle en était certaine. Surement celle de l’homme assis à coté d’elle. Mais il y avait quelque chose d’autre. Quelque chose de plus fort. Un grouillement, un fourmillement incessant. Celui de la ville, elle n’en était pas sure. Elle ressentait quelque chose d’autre.

Ce grouillement était différent de celui que l’on peut s’imaginer entendre en ville. Ses yeux se recentrèrent sur le tapis et ses fils. Sans qu’ils ne bougent, ses yeux se mirent à voir la vie du tissage. Les fils et les couleurs dansaient devant ses yeux, s’enroulant dans son esprit, se nouant et recréant dans son être le motif du tapis sur lequel elle était étendue.

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Manifeste de l’indigestion chronique.

ω

 
Foetus, hôte de l’être, emphase de l’éther dans l’immensité de la marée de mère,
Il se fait tourbillon dans la tasse de bave et d’éther à l’arôme de bile.
Le thé au rat, expectoration chronique du métro.
Cette déglutition amère de la mère des morts sort dans la mare d’os d’or.
Les expectorations de l’homme sont les arêtes asthmatiques des mots de la mer ;
Le port estompe la digestion des arêtes du phasme.
Le sort de la limace morte rame dans la bave de l’océan,
Les hématomes à la bile de rose sont la porte de l’océan de l’âme.
La phase d’expectoration du pathos de la digestion devient le sommet de l’emphase atmosphère de déglutition.
 

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