La photographie argentique, pour les jeunes numériques – 1

by Indigestes on 28 février, 2013, no comments

La photographie numérique, c’est bien, et c’est sûrement tout ce que tu as connu dans ta vie. Tout au plus, lorsque tu étais gamin t’avais eu un jetable, et puis une révolution technologique plus tard, un compact 3Mpx de 5Kg. Mais la photo argentique, tu ne l’as pas connue, pas vraiment. C’est vrai, les jetables, d’une part, on était trop jeune pour être intéressé et/ou comprendre comment d’une petite boite en plastique on arrivait, une semaine plus tard, à avoir 36 photos sur papier. La magie du service photo de Casino. Et d’autre part, un jetable, ça restait très très basique niveau utilisation. (à 7 ans, en même temps, tu te vois avec un reflex dans les mains ?)

Je n’ai pas échappé à ce changement-là. J’ai eu des jetables, et même un appareil tout automatique où il fallait placer soi-même la pellicule. Ensuite, j’ai eu un compact, puis un autre, puis un reflex, puis un autre, que j’ai actuellement. (le D90, si y a des curieux, et avant c’était le D40. Nikon for life, the fragrance by NinAnthea)

Et tu vois, je ne pensais pas faire de la photo argentique, avec son p’tit labo rouge, ses produits chimiques et tout le bazar. Et puis soudain ! Je suis arrivée à la fac d’Arts Plastiques, et j’ai pris l’option photo, parce que je voulais faire photo, et parce que le prof avait une bonne tête. (Parce qu’on avait 2 profs au choix) Premier cours, il nous annonce qu’on ne fera qu’exclusivement de l’argentique. Ah, bon. D’accord. Je vais pas te parler du « ah mais faut que je récupère l’appareil maternel qui est resté chez elle ! » et compagnie. Je vais te parler de ce que j’y ai appris dans ce cours (pas de tout, la théorie et les photographes on verra une autre fois, peut-être, si tu me demandes suffisamment longtemps). Peut-être que tu te demandes comment ça marchait, avant, la photographie. Parce que le numérique, tu as vite compris, mais quand même, ces vieilles pellicules noir et blanc, elles t’intriguent. Ca tombe bien, je vais parler de ça ! (Parce que, bon, quand même, je suis un tout petit peu tutrice depuis un an pour aider les petits étudiants de licence à bosser au labo.)

La photographie argentique, pour les jeunes numériques.
(avec de la culture générale photographique dedans.)

*Histoire de la photo*

(je te fais la version télégramme, ça va être très très très long sinon, et puis si tu es intéressé, va lire Photographie et Société de Gisèle Freund.)

Depuis l’antiquité : Camera obscura (chambre noire)
1826 : Nicéphore Niepce (plusieurs heures d’exposition, positif direct : photo unique)

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1835 : Louis Daguerre (Daguerréotype) (30 min d’exposition, positif direct, toujours photo unique, non reproductible)

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1839 : l’invention de la photographie devient publique (l’Etat achète le brevet, et tout le monde peu l’exploiter)
1841 : Talbot (Calotype) (invente le procédé du négatif-positif, que nous connaissons.)
1844 : Publication du premier livre avec des photographies : Pencil of Nature, de Talbot.

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1869 : Prémices de la photo couleur.
1884 : G. Eastman (Kodak), crée le film en Celluloïd (le film plastifié des pellicules)

Ensuite, tout ce bazar s’est amélioré de plus en plus, avec des appareils plus légers, et des pellicules comme celles que nous avons aujourd’hui.
Photo couleur : 1946 (1935 pour les diapositives))

Oui, c’était bref, mais c’est tellement long en détails que c’est pas la peine.

 *Le développement*

 Maintenant, je vais vous parler du labo, et de comment tout cela se passe.

La première étape, lorsqu’on a dans ses mains une pellicule finie, c’est le développement. Passons donc du film enroulé dans la boite plastique à un film transparent avec nos négatifs de photos.

C’est super simple, il faut une pièce hermétique à la lumière, un chronomètre, une cuve de développement, une spire (métallique ou en plastique), un truc à tirer le film de la pellicule ou un décapsuleur, des ciseaux, et des produits. Du révélateur, du fixatif et du vinaigre blanc. Et de l’eau froide. Et des récipients gradués et un thermomètre.
Une fois que tu as tout ça, il faut ruser et faire ressortir le bout du film enroulé dans la pellicule, afin de pouvoir, une fois dans le noir complet, l’enrouler dans la spire. La spire c’est un support, une sorte de rail en forme de colimaçon où le film va se mettre, tout bien comme il faut, pour baigner dans les produits, tout bien comme il faut. (oui parce que sans ça, la pellicule elle reste collée contre elle même et adieu les photos.) C’est l’étape flippante, parce que tu l’auras compris, tu es dans le noir total. Pas d’erreur possible, soit tu es dans un cours de photo où tu pourras appeler le prof pour qu’il te sauve, soit t’es dans la merde. Basiquement, c’est ça.

Ensuite, la jolie spirounette remplie (et un coup de ciseau dans le film pour la détacher du support) va dans la cuve noire (hermétique à la lumière, tu t’en doutes). Tu fermes la cuve et tu rallumes. (Bon j’ai pas précisé, mais il faut « retailler » le bout de la pelloche avant de la mettre dans la spire. Sachant que ça tu le fais à la lumière, pas de soucis. Oui tu cales le bout de la pelloche dans la spire dans la lumière. Ouf ! Enfin sauf si tu utilises un décapsuleur…)

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Après, c’est de la chimie. Dosage de produits (que je ne vais pas donner ici, vu qu’ils ne sont pas toujours les mêmes et puis tu t’en fous de savoir qu’il faut 1 dose d’eau et 1 dose de produit, non?) Donc révélateur+eau, à 20°C le mélange, attention ! (sinon il faut adapter les temps. Nous on a un beau tableau, ça va c’est tout bête. Plus c’est chaud, plus c’est rapide…Ou l’inverse.) Donc ce mélange là, il va dans la cuve, pendant 13 minutes si tu as les mêmes produits et les mêmes pellicules que moi. Et régulièrement il faut secouer la cuve, histoire que le produit se répartisse bien ; secouer ça veut dire retourner la cuve puis la remettre à l’endroit, c’pas un shaker, on fait pas des cocktails là. (La cuve, elle a un double couvercle en fait, un premier en forme d’entonnoir qui va se mettre dans le tube central qui tient la (ou les) spire en place, et qui permet de verser les produits sans avoir à ouvrir. Et le 2e c’est un bouchon tout simple pour pouvoir remuer sans tout renverser.)
13 minutes plus tard, tu vides la bête. Evier, vive la pollution. Et puis : bain d’arrêt (eau+lichette de vinaigre), juste le temps de rincer. Cette étape là sert juste à rincer la pellicule du révélateur, et à arrêter son action. Le vinaigre n’ayant pas le même pH que le révélateur, il arrête le processus de révélation dès son contact avec le film, c’pratique. Notez qu’il existe du bain d’arrêt tout fait, mais c’est aussi simple de prendre du vinaigre.
Puis, 4 minutes de fixatif. A la fac, c’est dans des bocaux tout prêts, mais c’est comme l’autre produit, c’est dilué. Et comme pour le révélateur, tu remues.
4 minutes plus tard, tu vides (dans le bocal, ça sert plusieurs fois, pratique). Et là, tu rinces à l’eau froide pendant 10 minutes ! Puis tu sors délicatement la pellicule de la spire en faisant des oh et des ah, et puis tu l’étends dans un placard à l’abri de la poussière.
En tout, donc, si tu mets pas douze ans à enrouler ta pellicule dans la spire ou à atteindre 20°C, tu en as pour une demi-heure.

(Il est possible de mettre un produit, l’agent mouillant au dernier rinçage à l’eau, pour éviter les traces de gouttes d’eau, mais c’est un produit qui tache les pellicules si tu fais pas gaffe, donc moi, je zape.)

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A ce moment-là, la première fois surtout, mais les autres fois aussi, tu te rends compte de la magie qu’est le développement argentique. Je ne saurais pas comment expliquer, voir sur le film ses photos, en négatif, c’est juste merveilleux et magique !

Voilà, c’est tout pour la première partie de l’aventure au labo photo ! Le prochain article parlera donc du tirage sur papier. Accrochez-vous à vos slips et à la prochaine ! 

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La cuve, son couvercle entonnoir, et la spire sur le support-à-spires

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