La première fois était surprenante.

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10 heures. La première fois que tu perces ce film de peau tu penses que tu es en enfer, que la douleur que tu ressens c’est elle l’enfer. La lame coupe doucement ta peau fine et parfaite et tu penses ressentir l’enfer. Puis le sang coule, et si tu as un peu de chance tu finiras par te sentir partir plus ou moins paisiblement. Tu fermeras les yeux et tu penseras au vide qui commence à t’habiter et tu te diras que, finalement, c’était pas si compliqué.

12 heures 35. Puis tu ouvriras les yeux. La lumière t’agressera un peu la rétine et tu grimaceras. Ils seront là, tous ceux qui pensent t’aimer et peut-être un médecin ou une infirmière ou deux, pour faire semblant de te surveiller et de te contenir.

 Φ

Chaque fois tu lacéreras un peu plus la surface de ta peau en espérant retrouver quelque chose, retrouver ce rien, cet espèce de vide qui est devenu toi. Chaque fois tu repenseras à cette première fois et à ce qui l’a déclenché. Tu repenseras à ce que tu avais ressenti. Chaque fois tu fermeras les yeux et tu te laisseras emplir de ce vide que tu désires tant. Et chaque fois, ils seront là lorsque tu ouvriras les yeux, la lumière se fera un peu plus violente, à chaque fois, et eux seront de moins en moins. Cette fois là, ils ne viendront pas. Ils ne te comprennent pas, et tu ne veux plus les comprendre. Cette fois là ne sera pas vraiment différente de toutes les autres fois, mais cette fois là tu seras en enfer. Pas l’Enfer des livres de mythologies mais l’enfer sur Terre. L’Enfer de la vie.

Φ

5 heures 17. Tu as ouvert les yeux et tu ne sais plus. Il fait encore nuit et la lumière te brûle. Chaque pensée te fait plonger un peu plus dans l’incompréhension. Tu ne sais plus où, ni quand, ni qui tu es. Tu ne sais plus ce que tu es ou ce que tu étais avant. Tu es étendu là, et tu n’es plus rien. Tu es un condensé de vide presque humain et d’ennui de la vie.

5 heures 25. Tu auras essayé de fuir, de bouger un membre du moins. Mais tu n’auras pas pu. Ton corps ne bouge pas, il refuse de se soumettre à toi tout comme ces sangles qui t’empêchent de te soumettre à toi et au vide que tu attends depuis trop longtemps. Mais pas ce vide là, pas celui qui tu as atteins sans le vouloir. Le vrai vide, le vide que l’on ressent lorsqu’on plonge sa tête sous l’eau, qu’on ferme les yeux et qu’on attends qu’il ne se passe plus rien. Bien sur il ne se passera plus rien. Tu ne peux pas bouger ni vivre comme avant. C’est trop tard, il fallait y penser avant, ils te diront.

6 heures 03. Tu n’essayes plus de fuir, tu as compris. Tu es vide et enfermé. En fait tu ne comprendras que plus tard à quel point tu es perdu maintenant. Il est déjà trop tard pour faire machine arrière. Au fond de toi tu ne sais même pas pourquoi il est trop tard. Immobile et les yeux grand ouvert, tu attendras qu’il se passe quelque chose. N’importe quoi.

Φ

Il s’en passera du temps avant qu’il ne se passe la moindre chose. Le soleil se lèvera, te brulera à travers les murs blancs que tu ne distingues pas encore. Tu attendras, tu ne le sais pas encore, mais c’est à ça que tu passeras tout le reste de ta vie. Attendre quoi ? Tu le ne sauras jamais. Il ne se passera jamais rien. C’est dommage, tu ne t’en rendra jamais compte.

Φ

6 heures 30. Peut-être qu’il se passera tout de même des choses. Ces choses de la vie, insignifiantes et futiles que tu haïssais déjà avant. Il ne restera plus qu’elle désormais. A ce moment là, précisément, on ouvrira une porte qui te semblera être à des milliers de kilomètres de toi, la lumière te brulera, pour de vrai cette fois. Tu fermeras les yeux et tu souffleras en espérant que ça passe plus vite. Les yeux clos tu verras à travers tes paupières des ombres venir vers toi dans la lumière devenue omniprésente. Puis tu les sentiras contre ta peau. Ca ne sera pas agréable, au contraire. Ils poseront leurs mains latexifiées sur ton corps, sur tout ton corps. Quelques fois ils te libèreront, te permettront d’avoir un semblant de liberté, de pouvoir bouger un peu, trop peut. D’autres fois ils t’emprisonneront à nouveau, et planteront des aiguilles sous ta peau pour essayer de te contrôler, toi, ton corps et tes pensées. Cette fois là, ce ne sera que pour vérifier. Vérifier quoi, tu ne le sauras pas. Ils ausculteront ta peau, tes veines, tes muscles et ton visage. Appuieront ça et là, « pour voir ».

6 heures 45. Ils ne t’adresseront la parole qu’à ce moment là, sans politesse, ils te rappelleront tout ce que ton vide à fait semblant d’oublier afin d’être vraiment vide. Lorsque tu comprendras où tu es tu paniqueras. Machinalement tu te lèveras de ton lit, tes pieds essayeront de te porter en vain. Tu t’écrouleras dans un grognement. Peut-être que cette fois là tes jambes résisteront à ton corps et tu te tiendras devant eux. Tu seras debout, habillé par leurs soins, devant eux et leurs tenues blanches, dans cette pièce étrangère. C’est un mélange de peur, de violence interne et de haine qui t’habiteras et tu laissera tout sortir sans te contrôler. Tu ne feras pas vraiment attention. Après avoir hurlé tes tripes et essayer de fuir, pour de vrai cette fois, ils t’attraperont. Alors tu les frapperas sans le vouloir et tu signeras la fin de tout ce que tu aurais pu espérer.

6 heures 51. Tu sentiras la douleur. Ils t’attraperont et seront plus fort que toi. Alors ils feront en sorte de te calmer. Une piqure et au lit.

10 heures 38. Lorsque tu reprendras tes esprits, tout sera redevenu comme avant. Pas l’avant tout, mais avant. Tu r’ouvriras les yeux et tu auras les mêmes réflexions internes, les mêmes incompréhensions. Puis tu te ressouviendras. De l’avant, et de juste avant. Tu te rendras compte que cette fois tu ne peux plus bouger, vraiment plus. Pas seulement à cause des médicaments qu’ils t’auront donné.

Tu ne le sais pas encore mais au fur et à mesure que tu tenteras de fuir de ton corps attaché au lit, tu marqueras un peu plus ta peau. Toutes les cicatrices que tu as sur le corps ne disparaitront pas, et à chaque infime moment où tu auras la possibilité de les r’ouvrir tu le feras. Et à chaque fois tu seras ramené sur ton lit, qui, tu t’en rendras compte très bientôt, deviendra ton cercueil d’être presque-vivant. Tu resteras là, sans pouvoir bouger, à attendre que ton corps se décide à partir sans toi.

Φ

Cet infini durera peut-être une semaine, peut-être beaucoup plus. Pour toi cet infini ressemblera à un instant fixe, sans mouvement. Le temps s’est arrêté pour toi. Ta vie est sur pause, et tu chercheras tout le reste de cette vie de vide à la relancer, à refaire s’écouler le temps sans que cela soit possible.

Ta vie ne sera plus qu’une succession d’instants, tous identiques, tous déplaisants, et tu n’auras plus aucune influence sur elle. Tu deviendras le spectateur de ta vie, sans que tu puisses décider quoi que ce soit, ni partir lorsque ce spectacle sera devenu lassant. Tu perdras toute notion du temps. Tout instant sera blanc. Comme la lumière qui te brule un peu plus les yeux chaque jour. Comme ces murs, ce sol et ce lit qui sont devenu ton quotidien. Tu ne sortiras pas. Le monde n’existera plus. Il ne restera que cette pièce blanche. 

Φ

Il faudra trois ans. Un peu plus, un peu moins, tu t’en fiches, cela n’a plus d’importance.

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Trois ans plus tard, tu seras toujours vide et dans l’incapacité de te mouvoir. Peut-être qu’ils verront une lueur étrange dans tes yeux, ou peut-être, simplement, comprendront-ils qu’il est enfin temps que tout s’arrête ici. Alors ce jour-là tu quitteras cette pièce blanche et vide comme toi. Il n’y aura plus aucun endroit où tu auras envie d’aller, alors que tu auras passé tout ce temps à t’espérer ailleurs. La notion de chez toi n’existera plus. Alors peut-être, tu laisseras tomber ton corps dans une chambre payable à la journée et y resteras un temps, à essayer de comprendre, à essayer de te souvenir de ces trois années derrière toi pour de bon. Tu n’y trouveras que ce vide, qui te qualifiait là-bas et qui est venu avec toi, et qui, quoi que tu fasses ne te quittera pas. Un peu plus tard, tu écriras ce vide, parce qu’il t’aura donné un nouveau besoin. Ton seul besoin désormais : le vider sur le papier, par tous les moyens. Tes mots se feront glacés, puis lorsqu’ils seront tous sortis, tu recommenceras ce que tu as toujours fait.

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La première fois était surprenante. La dernière fois, tu ne seras pas surpris, tu l’attendais. Puis tu ne seras plus du tout. La dernière fois ils seront tous là, hypocrites, à croire que c’est ce que tu aurais voulu. Ils resteront peu de temps à contempler ton nouveau chez toi, où tu demeureras pour l’éternité. Tu resteras vide mais tu ne seras plus là pour t’en rendre compte.

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Bien sur, elle, elle restera là et sera un peu plus vide qu’avant. A n’avoir été que trop présente. Elle deviendra toi sans que ni elle ni toi ne vous en rendiez compte. Elle rendra tes mots vides matériels et ils deviendront quelque chose, qu’elle ne comprendra jamais, mais qui, au fond, n’a pas besoin d’être compris.

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Il ne lui avait pas demandé son avis.

Il ne lui avait pas demandé son avis. Il lui avait tourné autour quelques jours essayant de comprendre son fonctionnement et il avait agit. Lorsqu’elle l’avait rencontré elle l’avait trouvé sans âge, hors de cette époque, sans vraiment y prêter attention.

Il ne lui avait pas demandé son avis. Elle ne s’était pas débattue lorsqu’il avait posé sa main sur sa bouche délicate ni lorsqu’il avait plongé ses crocs dans sa gorge perçant sa peau fine de deux demi cercles.

Il ne lui avait pas demandé son avis, et doucement elle sentait son sang la quitter. Elle se vidait de l’intérieur comme aspirée. Lorsque son coeur s’arrêta, ses mains saisirent le corps de son assaillant. Elle tentait de se dégager de lui mais elle était sans force. Sans vie.

Tandis qu’il la relâchait, ses yeux sans vie restaient fixes. Le mur derrière lui, d’un blanc maculé semblait devenir vivant autant qu’elle ne l’était plus. Les taches qu’il comportait donnaient l’impression de raconter leur histoire. Elle sentait vivre ce mur et avec lui tous les objets de la pièce( qui était dans son champ de vision. ) Le bureau en bois ancien était redevenu forêt pour ces yeux. Chaque centimètre carré était maintenant secouer par une nouvelle vie étrange.

Il ne lui avait pas demandé son avis, mais il la regardait changer. Il observait ses yeux qui n’était plus maintenant d’un beau vert vif. Ils s’étaient assombris à mesure qu’elle percevait la vie de la pièce. Son iris ressemblait à une bille d’un noir profond sans motif qui semblait transpercer tout ce qu’elle observait. Il savait ce qu’elle était en train de vivre et attendait patiemment qu’elle reprenne conscience.

Elle était entre fascination et terreur.

Il ne lui avait pas demandé son avis lorsqu’elle se mit à trembler violemment. Son corps tomba au sol dans un bruit sourd. Elle était consciente sans pouvoir ni bouger ni parler.

Son estomac se mit alors à trembler lui aussi. Elle le senti se contracter douloureusement et sans un cri se vida par sa bouche d’un seul coup. Son déjeuner se déversa sur le tapis. Elle se figea. Ses yeux toujours immobiles fixaient le tapis souillé.

Dans sa bouche, elle sentait le reste de son repas se changer en une symphonie de gouts qu’elle découvrait pour la première fois. Ses sucs gastriques dansaient sur sa langue. Elle redécouvrait la saveur des aliments qu’elle avait ingéré quelques heures plus tôt.

Elle savourait cet instant autant par les yeux que par la bouche. Son vomi sur le tapis à peine digéré semblait lui conter la vie vécue des aliments, de leur arrivée dans les mains d’un agriculteur à leur transformation en plat par ses soins un peu avant. Les gouts et cette vision lui plaisait, elle souhaita un instant demeurer ainsi à tout jamais.

Il ne lui avait pas demandé son avis. Elle ne s’en souciait pas encore. Elle ne cherchait pas à comprendre. Elle n’était plus qu’un simple corps plein de sensations.

Sa vision et ses gouts symphoniques cessaient brusquement. La douleur. Elle ne l’avait pas encore ressentie, même lorsque les crocs de cet homme étaient entrés en elle. Mais elle était maintenant présente et très violente. Ses mains, ses ongles, ses os l’auraient fait hurler si seulement elle pouvait. Il n’y avait plus de vie dans ce corps, aucune parole ne pouvait pour l’instant en sortir.

Il ne lui avait pas demandé son avis et il la regardait, il regardait ses os se renforcer, ses muscles se développer. Il ne ressentait rien. Ses os craquaient inlassablement dans d’atroces sons.

Elle aurait voulu mourir pour ne plus souffrir. Ne savait-elle pas qu’elle l’était déjà ? Alors qu’elle espérait, elle senti ses ongles pousser. Trop vite. Ils étaient des griffes acérés et sombres comme ses yeux.

Plus plus rien. La douleur disparu aussi vite qu’elle était arrivée. Ses yeux contemplaient à nouveau le monde. Mais cette fois, son odorat et son ouïe accompagnaient cette symphonie contemplative. Son nez, comme sa bouche un peu plus tôt, redécouvrait les effluves du vomi. Elles étaient merveilleuses de nouveauté. Tout cela n’était pas forcément agréable mais cette découverte pleine d’innocence. Elle ressentait sans le savoir ce qu’un nouveau né ressentait lorsqu’il rencontrait le monde hors de sa mère, avec cette innocence crédule et émerveillée. Tout semblait beau parce qu’elle l’appréhendait pour la toute première fois.

Ses rêveries interrompirent. Elle entendait. Elle ne savais pas quoi. Il y avait une respiration, elle en était certaine. Surement celle de l’homme assis à coté d’elle. Mais il y avait quelque chose d’autre. Quelque chose de plus fort. Un grouillement, un fourmillement incessant. Celui de la ville, elle n’en était pas sure. Elle ressentait quelque chose d’autre.

Ce grouillement était différent de celui que l’on peut s’imaginer entendre en ville. Ses yeux se recentrèrent sur le tapis et ses fils. Sans qu’ils ne bougent, ses yeux se mirent à voir la vie du tissage. Les fils et les couleurs dansaient devant ses yeux, s’enroulant dans son esprit, se nouant et recréant dans son être le motif du tapis sur lequel elle était étendue.

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Insomnies

Il était très tard lorsqu’elle s’étendit sur son lit. Son corps était lourd de fatigue. Elle s’enroula toute habillée dans ses draps et ferma les yeux.
C’était une nuit particulièrement chaude et désagréable. Endormi, son corps tournait encore et encore sous les draps, elle se sentait suffoquer tellement l’atmosphère était irrespirable. Il n’y avait pas d’air, pas de vent et la pluie n’était plus qu’un concept flou dans l’esprit des gens.
Dans son sommeil elle senti de légers chatouillis sur son bras, un peu comme si une fourmi lui grimpait dessus. Elle ouvrit les yeux et machinalement passa sa main sur cette démangeaison. Il n’y avait rien, bien entendu. Sans doute un pli du drap.
Elle soupira. Elle détestait se réveillée à cause de ces démangeaisons imaginées, ce qui arrivait de plus en plus souvent. Elle avait déjà ausculté son corps dans les moindres recoins afin de comprendre ce qui pouvait la réveiller. Elle n’avait ni piqure ni irritation. Elle avait changé ses draps, changé de marque et de matières de draps et de vêtements, changé de crème pour le corps, mais rien n’y avait fait. Elle ouvrait maintenant les yeux toutes les nuits dérangée par ces démangeaisons imaginaires. Elle avait arrêté de chercher une raison à tout ça, elle en avait conclu que sa peau n’aimait pas la chaleur de l’été.
Elle avait chaud, se rappelant qu’elle s’était endormie avec ses vêtements sur le dos, elle les ôta en gesticulant et ondulant sous son drap. Son corps remuait, son visage se crispa puis le lit expulsait son pantalon, son t-shirt et ses sous vêtements. Elle soupira, et étendit ses bras. Puis ses mains se fracassèrent contre le mur à droite et le sol à gauche. En insultant la terre entière elle se renroula et ferma les yeux.

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Ligne de flottaison.

Tu ne sais plus quand tu avais commencé. Tu aimais rester assis de longues heures à observer le vide des gens devant toi. Au fur et à mesure de tes explorations visuelles, toujours assis au même endroit sur ton banc au milieu du parc, tu as fini par distinguer. Tu auras mis du temps à savoir quoi, mais tu auras toujours été ravi de ce qui défilait sous tes yeux.
Puis tu as compris que c’était elle que tes yeux distinguaient le plus. Presque sans faire attention tu notais mentalement ses actions, ses mimiques et chacun de ses traits. Tu venais tous les jours depuis presque un an avant de commencer à comprendre ce que tu cherchais vraiment du regard, jour après jours pendant des heures. Tu restais là, fixe sur ce banc et tu attendais. Tu n’avais même pas fait attention à elle la première fois, puis tes yeux s’habituèrent à la voir là, toujours aux mêmes endroits chaque jour.
Tu voulais savoir la raison de sa venue sans oser aller lui parler, et pas seulement parce que c’tait interdit.
Alors tu restais captivé des heures à ajouter chaque détail de son corps à ta mémoire et chaque soir tu la faisais danser dans sa grande robe blanche, pour toi, rien que pour toi, durant des heures et tu t’endormais heureux.

Elle était frêle, tu avais presque peur de l’abîmer en la regardant avec autant d’insistance, mais tu ne pouvais plus te passer de sa présence. Des heures durant, elle restait fixe, debout à regarder les arbres du parc qui formaient une limite naturelle avec le reste du vrai monde. Puis lorsque ces arbres avaient fini de lui dire leurs rêves, elle s’en allait observer l’eau de la fontaine. Il n’y avait plus de poissons depuis que tu les avais empoisonnés avec tes médicaments, mais elle semblait ne pas y prêter attention et leur racontait tous ses désirs de voyages.
Certains jour de vent, ses longs cheveux noirs s’entortillaient sur son visage pâle et chahutaient avec les gouttes d’eau perdues de la fontaine. Sa longue robe blanche la rendait spectrale et faisait frissonner tout ceux qui, silencieusement, comme toi, l’observait.

Tu redoutais l’hiver. Avec son épaisse couche neigeuse, plus personne ne pouvait aller dans le parc comme habituellement en été. Heureusement certains des infirmiers autorisaient une courte sortie, histoire de prendre un peu l’air.
Ce jour-là il faisait particulièrement froid mais ensoleillé, la neige brillait au soleil. Tu avais atteint ton banc et la cherchais déjà du regard, sans même t’en apercevoir. Tu la vis avant eux. Tes yeux avaient maintenant l’habitude de ne voir plus qu’elle. Elle n’était pas à sa place. Elle ne contemplait pas la haie d’arbres ni son amie la fontaine. Elle était debout, face à toi, mais trop loin pour te remarquer vraiment. Son corps flottais sur le balcon du cinquième étage. Ses cheveux et sa robe semblaient se débattre dans le vent. Elle frissonnait. C’était bien normal par ce temps et elle était si peu couverte. Tu avais froid pour elle et tu aurais aimé pouvoir la réchauffer dans tes bras.
Tu fus le seul à la voir s’élancer dans les airs. Elle flottait depuis tellement longtemps, un peu plus à chaque brise, que tu ne trouvais même pas cela étrange.
Bien sur elle ne flottait pas. Son corps s’écrasa mollement dans la neige immaculée. Comme personne ne semblait la voir, tu te levas enfin de ton banc et tu allas l’enserrer de tes bras. Elle était déjà si froide, il te fallait la réchauffer. Tu glissas tes mains sous sa tête et son dos et tu l’enlaças. Elle était toujours gelée à cause du froid ambiant mais en toi montait une chaleur nouvelle qui te fit chavirer. Tu l’embrassas et te couchas tout contre elle en lui tenant la main. Elle était enfin tienne. Pour toujours.

[08-09-12]

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Les autres fois.

Je vomis les mots comme ce trop plein de nourriture qui sort quelques fois par erreur. L’écriture est comme un aliment. La photographie n’a rien à voir là dedans. La nourriture est complexe. Elle est ma pire ennemie et ma plus grande alliée. Elle remplie une partie de mon vide interne, la plus grande partie. Mon estomac appelle. Je le soigne en ingurgitant tout ce que j’ai sous la main et qui est plus ou moins comestible. Puis mon estomac me hante et me dis que je ne dois pas tout ingurgiter comme ça. Alors j’attends mon prochain vide. Et je le laisse me ronger de l’intérieur avec ses grognements sourds qui sortent de mon ventre quelquefois lorsque j’attends trop avant de ré-ingurgiter. Si on attend encore un peu, les grognements cessent, et la faim s’apaise toute seule. Comme si le corps avait trouvé un recoin interne plein de nourriture et l’avait englouti. Alors, par l’écriture, je régurgite ce que mon corps a englouti tout seul, sans moi. Quelquefois ça ne donne rien, parce que ces fois-là mon corps n’a pas assez mangé sans moi. Les autres fois.

[05-10-12]

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